Aller à une milonga à Buenos Aires en 2025

Katia Mer : « Aller à une milonga est une expérience absolument unique. Une fois que le tango te touche le cœur, il ne te lâche plus. »

Voyager en Argentine donne l’occasion (ou plutôt la chance) de vivre deux expériences différentes liées à la culture du tango à Buenos Aires : assister à un spectacle et/ou (car l’un n’empêche pas l’autre !) participer à une milonga.

Après avoir tenté d’identifier le meilleur spectacle de tango de Buenos Aires, je me devais d’écrire un article sur les milongas. Vu que je danse comme un monolithe de Tiwanaku (ou de l’Ile de Pâques), mon expérience a, jusqu’à présent (car, je ne désespère pas que les choses changent), été celle d’un simple spectateur.

représentation imagée d'une milonga à Buenos Aires (couples en train de danser le tango sur la piste et spectateurs autour)

Mais, en 2020, j’ai fait la connaissance de Katia Mer. Mon amie argentine pratique le tango depuis 2007 et a une riche expérience des milongas en tant que spectatrice, mais surtout en tant que danseuse.

Katia Mer et Lucrecio Robledo dansent sur un tango d’Anibal Troilo

Je me suis entretenu avec elle pour faire le point sur tout ce qu’il y a à savoir avant d’aller dans une milonga. Katia est passionnée par le tango. Après l’avoir lue, qui que vous soyez, vous serez pris d’une irrépressible envie d’entrer dans une milonga.

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⏳ Temps de lecture 28 minutes

Pas le temps de tout lire ? Voici ce que propose cet article :

Préambule : ne pas confondre un spectacle de tango et une milonga

Un spectacle de tango est une performance professionnelle, souvent organisée dans des restaurants, où des danseurs, musiciens et chanteurs montrent leur talent sur scène. Ces spectacles sont généralement destinés aux touristes (nationaux ou étrangers) et mettent en avant des chorégraphies élaborées, des costumes sophistiqués et une mise en scène théâtrale.

Une milonga est une soirée dansante où des amateurs de tango se réunissent pour danser. Elle se déroule dans des clubs ou des salles dédiées au tango. À la milonga, les participants dansent en couple et suivent les codes traditionnels du tango, comme le cabeceo (le contact visuel pour inviter à danser). L’ambiance est plus décontractée et intime que dans un spectacle. La milonga est un lieu de rencontre et de pratique, et reflète la vie sociale autour du tango à Buenos Aires.

En résumé, le spectacle de tango est une représentation pour le public, tandis que la milonga est une expérience participative pour les danseurs de tango. Autrement, assister à un spectacle de tango c’est comme aller à un concert tandis que participer à une milonga c’est comme prendre part à un bal.

Katia et le tango : une histoire d’amour qui a débuté en 2007

C’est un peu compliqué de dire qui je suis parce que je ne le sais pas encore [rires]. Je pense que le chemin de la vie consiste à découvrir qui nous sommes. Mais bon, voici ce je peux dire : je m’appelle Katia, je suis née à Villa María, en Argentine, une petite ville de la province de Córdoba.

C’est là que j’ai grandi et c’est là que vit encore ma famille. Depuis toute petite, j’ai toujours été intéressée par l’art en général, c’est quelque chose que j’ai toujours aimé faire. J’ai une cousine – elle a quelques années de plus que moi – qui, quand nous étions très jeunes, dansait le tango. Donc, d’une certaine manière, j’ai été en contact avec le tango depuis mon enfance, grâce à des proches.

Actuellement, je vis de manière itinérante. Je ne me considère pas comme appartenant à un endroit en particulier. Je me considère comme une citoyenne du monde. Ça me conduit à vivre une vie un peu nomade. J’aime ce style de vie, bien qu’il comporte de grands défis.

Professionnellement, je m’occupe du développement de marques et de leur communication. Je travaille dans le monde hispanophone, principalement en Argentine, au Mexique, au Chili et en Espagne. J’aide différentes marques à trouver les meilleures façons de communiquer et de se connecter avec leurs utilisateurs.

J’ai un autre travail que je fais avec cœur et passion : j’aide activement la Fondation Atahualpa Yupanqui [1]. Je considère Atahualpa comme un grand maître. Je n’ai pas eu la chance de le rencontrer personnellement, mais il vit en moi ; je le connais en le ressentant.

J’ai aussi une grande passion pour tout ce qui est manuel. En particulier, j’aime beaucoup créer mes propres vêtements.

Enfin, ma préoccupation ou mon plus grand objectif en tant qu’être humain sur cette terre est de pouvoir être la meilleure version de moi-même. Je travaille tous les jours de ma vie pour améliorer certains aspects de moi et pour apporter quelque chose de valeur au monde.

En réalité, j’ai commencé un peu par défaut, par élimination. En 2007, lorsque je suis entrée à l’université, je voulais pratiquer une activité physique. En vérité, je n’ai jamais aimé ni le sport ni la salle de sport. Étant très maladroite, je n’ai jamais apprécié ça et je n’ai jamais compris ça. Alors, je me suis dit : je vais faire de la danse. Par élimination, j’ai fini par choisir le tango. Et j’ai commencé à étudier dans une académie qui enseignait plutôt le tango de scène, c’est-à-dire le tango chorégraphique.

Le jour où je suis réellement tombée amoureuse du tango, c’est quand je suis allée pour la première fois à une milonga. Un danseur expérimenté m’a invitée à danser. Il ne faisait aucun des pas que j’avais appris [rires]. En effet, il dansait le tango de salon, qui est un tango 100 % improvisé, celui qui se danse dans les milongas. Et moi, on m’avait appris une suite de pas très structurée.

Sur le moment, je n’ai rien compris ! Ce moment m’a déconcertée, mais en même temps, il m’a fascinée, car je me suis rendu compte que tous ceux qui dansaient sur la piste étaient extrêmement connectés : ils devaient comprendre l’improvisation de leur partenaire. Pour moi, cela a été un tournant. Il y a eu un avant et un après.

Pourquoi pratiquer le tango ?

Ce que j’aime le plus dans le tango ? Je dis toujours que j’ai trouvé dans le tango une sorte de résumé – mais pas un résumé superficiel, plutôt un résumé très concentré, comme peut l’être l’huile essentielle d’une fleur –, de toutes les émotions les plus fortes que possède l’être humain. Parce que dans le tango, on trouve la solitude, la tristesse, la mélancolie, l’angoisse, la sexualité, la sensualité, l’amour, le romantisme, l’attraction, la séduction, la joie, etc.

Je crois que ces deux corps – en général, totalement inconnus, et sans nom, sans âge, sans nationalité, sans race, sans rien, car on ne sait rien de l’autre personne avec qui l’on danse –, ce couple qui se forme à ce moment précis, lorsqu’on est invité à danser, est une combinaison de deux âmes qui se livrent à un moment spécifique, dans un espace spécifique, pour danser une tanda de quatre tangos [2]. Et ce moment ne se répétera jamais, jamais, jamais ! Se livrer à ce moment d’improvisation demande donc une présence absolue.

Pour moi, il se passe quelque chose de magique, car tous les temps se rejoignent. Le temps où l’orchestre a enregistré cette chanson ou l’a composée. En même temps, cette chanson est imprégnée de toutes les personnes qui ont ressenti quelque chose en dansant sur sa mélodie. Et cela se combine avec ce que chaque participant apporte dans ce couple, sur cette piste où ils partagent la danse. Puis, l’ambiance qui entoure ce couple pendant qu’il danse… Tout cela fait que ce moment devient une connexion entre le ciel et la terre absolument magnifique et unique.

Donc, je pense que dans le tango, on peut découvrir, si l’on garde un esprit ouvert et observateur, différents micro-univers qui tournent sur eux-mêmes dans un temps qui n’est pas un temps ou dans un temps qui est tous les temps. De manière synchronique et poétique, se crée une toile d’araignée de différents micro-univers ressentant des choses différentes. C’est quelque chose de vraiment unique.

J’ai essayé d’autres danses et j’ai suis allée dans des endroits où d’autres danses de contact sont pratiquées, comme par exemple la salsa, la bachata ou le folklore argentin. Mais jamais, tout du moins dans mon cas particulier, je n’ai ressenti quelque chose d’aussi profond, d’aussi transcendantal qu’une milonga.

La milonga, est-ce pour moi ?

Si quelqu’un est intéressé par le tango, mais hésite, c’est probablement parce qu’il se sent maladroit. On dit que c’est vraiment difficile. Tout ce que je dirais, c’est la chose suivante : étreindre n’est pas difficile, l’étreinte est absolument apaisante et que l’étreinte est ce qu’il y a de plus fondamental dans le tango. C’est le plus important.

Et si une personne qui hésite va à une milonga avec l’ouverture nécessaire pour offrir son étreinte et recevoir celle des autres – même de personnes qu’elle ne connaît pas –, elle ouvrira une porte qu’elle ne pourra plus jamais refermer. En effet, danser le tango dans une milonga c’est découvrir un amour absolument nouveau, très bienveillant qui n’a ni religion, ni âge, ni statut social, ni niveau socio-économique, ni langue : rien, rien ne fait obstacle. C’est quelque chose d’absolument universel. C’est une connexion d’âme à âme, donc il est impossible d’hésiter. Il n’y a pas de place pour le doute !

Les meilleures milongas de Buenos Aires

Les meilleures milongas de Buenos Aires, vaste question. Celles que je recommande pour leur ambiance sont :

  • Muy lunes
  • Pipi cucu
  • La Viruta (sans aucun doute, une milonga emblématique !)
  • Porteño y Bailarín [3].

Mais, à Buenos Aires, en soi, quelle que soit la milonga où tu iras, tu trouveras la véritable essence du tango. Buenos Aires a quelque chose de très spécial en ce qui concerne le tango. Le tango, c’est comme s’il s’y murmurait. C’est quelque chose de très particulier. Dans n’importe quelle milonga où tu te rendras, tu te sentiras dans une boucle temporelle particulière et tu trouveras un voyage dans le temps. Finalement, peu importe la milonga où tu iras, car chacune a quelque chose de spécial.

Si tu t’assieds simplement pour observer, tu découvriras un nouveau monde. C’est comme traverser la porte vers le monde de Narnia.

Les différents types de milongas

En ce qui concerne les différences entre les milongas, je ne suis pas la plus spécialisée dans ce domaine, car, en plus, je suis née dans un endroit très éloigné de Buenos Aires. J’y suis allée de nombreuses fois pour danser, mais je ne suis pas la plus qualifiée.

Mais, en général, il y a des milongas qui sont très, très traditionnelles, où l’on accorde beaucoup d’importance et de respect à la tenue vestimentaire, où il faut porter des chaussures de danse, respecter strictement les codes de la danse, y compris le moment où l’on s’assoit. Certaines milongas appliquent ces codes très strictement.

Il y a d’autres milongas qui sont un peu plus détendues. La structure du salon est différente et il est possible de jouer avec des ambiances variées, ce qui crée aussi plus de flexibilité.

D’autres encore sont ultra flexibles, beaucoup moins structurées et permettent de jouer davantage avec la danse et ses codes.

Je pense que ce sont les différences les plus importantes. Dans certaines milongas, tu peux t’habiller comme tu veux et tout ira bien, alors que dans d’autres, on pourrait peut-être ne pas te laisser entrer. Cela dépend de l’organisateur et de l’ambiance qu’il souhaite créer, car chacune a ses propres critères spécifiques.

L’ambiance et l’atmosphère des milongas

L’ambiance varie en fonction du type de milonga où l’on se rend, car tout comme il existe différents styles de milonga, il existe aussi différents types d’ambiance. Donc, il est difficile de faire des généralités.

Mais, en ayant bien en tête cela, il est certain que l’ambiance est généralement très passionnée ! La majorité des personnes, que dis-je, 99 % des gens qui sont dans la milonga vivent véritablement le tango, respirent le tango, vibrent avec le tango. Le tango les traverse véritablement.

Je crois que le tango ne peut pas être vécu de manière tiède. En aucune façon ! C’est quelque chose d’absolument passionnel, qui se vit avec un total enthousiasme et cela se ressent dans l’ambiance : les personnes ont envie de se connecter avec d’autres à travers une étreinte. Certes, il y a des moments dans la milonga où tout est beaucoup plus intense et d’autres qui sont un peu plus calmes.

Mais c’est une ambiance que j’aime beaucoup. Oui, il existe de la compétitivité, de la frivolité, de l’envie, car ces sentiments existent chez l’être humain. Disons que ce n’est pas le tango en soi qui les produit. Des personnes veulent être les meilleures en danse, être les plus belles, etc. Toutes ces choses qui nous traversent en tant qu’êtres humains se retrouvent aussi sur la piste. La milonga n’est pas un espace qui y échappe. Mais, en général, du moins ce que je ressens chaque fois que je vais dans une milonga, c’est une très bonne ambiance, parce que tout le monde est là avec le même désir de danser et de se connecter avec l’autre. Cela nous met tous sur une fréquence similaire.

Les milongas sont-elles des espaces inclusifs ou exclusifs ?

Je crois que toutes les milongas ont une part d’inclusivité, sauf celles qui sont trop traditionnelles, qui peuvent être un peu plus exigeantes. Mais, en réalité, à l’intérieur de la milonga, sur la piste, il existe des espaces réservés aux différents niveaux. Bien sûr, si une personne n’a vraiment aucune idée des codes de la milonga, l’idéal serait qu’elle n’entre pas sur la piste pour danser, car elle risque de marcher sur les pieds des autres ou de se faire marcher dessus. La piste a un certain parcours et une certaine logique. C’est comme sur la route : tu ne vas pas te mettre à contresens avec un vélo, car tu risques de te faire percuter par une voiture. Eh bien, dans le tango, c’est à peu près la même chose. Il y a des logiques de mouvement qui doivent être respectées pour que tout le monde puisse danser sans se blesser. Rappelons que les femmes portent des talons aiguilles de 5 à 11 cm de hauteur qui peuvent couper comme des lames ! Il est donc très important d’en tenir compte et il y a donc des logiques de mouvement qui doivent être respectées.

Par conséquent, si des danseurs débutants se lancent, il est très important qu’ils connaissent les codes avant d’entrer sur la piste. Et une fois qu’ils le font, même en tant que débutants, il y a toujours un espace pour qu’ils commencent à pratiquer, car nous avons tous été débutants à un moment donné. Donc, de ce point de vue, il n’y a pas de conflit.

Enfin, aller seul à une milonga n’est absolument pas un problème, car tu te feras toujours des amis, et en plus, on t’invitera de danser. Et si tu es seul, il est beaucoup plus facile que l’on te demande de danser que si tu es accompagné. Cela ne fait aucun doute.

Bien sûr, il y a des milongas où l’on sait que le niveau est plus élevé. Mais, en général, les experts se positionnent dans certains secteurs de la milonga où l’on sait, par exemple, que se trouve la table des maîtres. En principe, dans toutes les milongas, tu trouveras un très bon niveau. Ça dépend aussi des périodes de l’année, car la plupart des bons maîtres argentins sont hors d’Argentine. Donc, normalement, la période du Mondial de tango [4], en août, est celle où ils y le plus de professeurs et de maîtres argentins. Ils sont là pour le Mondial du tango : ils sont membres du jury, ils sont participants où ils aiment tout simplement y aller. C’est un événement de très grande ampleur et de très, très grande importance.

Donc, pour en revenir à la question, même si des milongas peuvent être un peu plus adaptées pour les expérimentés ou pour les débutants, en vérité, le principe est que tout le monde se mélange.

Existe-t-il des milongas davantage destinées aux touristes ?

Les milongas les plus connues – celles qui ont plus de visibilité sur Instagram, par exemple – sont celles que la plupart des gens, surtout les étrangers, visitent. Par exemple, il y en a une qui s’appelle La Rosa Milonga, organisée par Carolina Couto, qui se déroule à El Beso, l’une des salles les plus célèbres de Buenos Aires. Chaque fois que j’y suis allée, c ’est la milonga où j’ai vu le plus d’étrangers, car c’est une milonga qui se déroule l’après-midi, elle est super bien située, très connue et la piste est excellente. Donc, c’est celle où j’ai trouvé le plus de touristes. À La Viruta aussi, mais parce qu’elle est très traditionnelle et toujours ouverte.

Les codes de la milonga (coutumes et règles de conduite | aspect vestimentaire)

Les coutumes et les règles de conduite sont nombreuses, mais voici les principales :

  • Dans une milonga, les mouvements sur la piste répondent à une certaine logique. On danse sur la piste toujours de manière circulaire, dans le sens antihoraire, et en même temps, les couples dansent eux-mêmes de manière circulaire. Donc, l’idée est qu’il y a un grand cercle général fait de mini-cercles, à savoir les couples.
  • En général, dans certaines milongas, même si je ne peux pas l’assurer à 100 %, la partie la plus intérieure de la piste est réservée aux débutants tandis que la partie extérieure est pour les plus expérimentés.
  • Un point TRÈS important à prendre en compte pour les personnes qui ne sont jamais allées à une milonga et qui veulent s’y rendre juste pour prendre un café ou un verre de vin : il est très important de respecter la piste de danse. Autrement dit, tu ne peux pas traverser la piste d’un bout à l’autre comme si tu étais à une fête quelconque, car le faire serait un manque de respect pour les danseurs. N’oublions pas que c’est un espace où l’on vient danser. On y vient, bien sûr, pour profiter du tango, mais surtout pour danser. L’endroit le plus important de cette rencontre est la piste et la piste est toujours au centre. Normalement, la piste est un carré ou un rectangle. Autour de la piste, sur les bords, contre les murs, il y a des tables et des chaises pour s’asseoir. Le centre est une sorte de carré où les danseurs évoluent. Donc, tu ne peux pas traverser d’un coin à l’autre parce que tu veux aller saluer un ami ou t’asseoir à une autre table. Si tu le fais, tu interrompras tout le flux de la piste et tu pourras te faire marcher dessus… et, crois‑moi, si une danseuse te marche dessus avec ses talons, tu t’en souviendras pour toujours [rires]. Il faut donc faire très attention à cela.
  • En tant que spectateur, il suffit de choisir le meilleur endroit, de s’asseoir et de profiter, en essayant de ne pas être sur son téléphone avec le son très fort, parce qu’il faut toujours respecter la musique, qui est ce qui rassemble les gens. Bien sûr, il faut aussi éviter de crier.
  • Les tandas sont séparées par ce qu’on appelle une cortina [rideau, en français] qui est un intermède musical d’environ une minute, où l’on passe n’importe quelle autre chanson, par exemple un morceau des Beatles. Cette autre musique indique que la tanda de quatre tangos est terminée et que tout le monde retourne à sa place, pour y attendre que la prochaine tanda commence et repartir danser ou décider d’y rester se reposer. Pendant la cortina, la majorité des personnes quittent la piste et retournent à leur place pour attendre la tanda suivante. Selon le code traditionnel – qui est encore très suivi –, on invite à danser au début de la tanda. Celui qui guidera (en général, l’homme) cherche avec qui il veut danser, son partenaire (en général, la femme), et lui adresse un cabeceo, qui est un petit mouvement de la tête, comme une sorte de salut, en inclinant la tête vers le bas. Si la femme veut danser avec lui, elle incline la tête en retour. Alors l’homme s’approche d’elle et ils commencent à danser. Si la femme ne veut pas danser avec lui, elle essaie de ne pas établir de contact visuel pour que l’homme puisse chercher quelqu’un d’autre. Donc, si tu es un spectateur et qu’au moment de la cortina tu te lèves et que tu te mets sur le champ de vision de ceux qui cherchent à inviter à danser, tu leur feras obstacle. Tu dois en être conscient. En effet, le début de la nouvelle tanda est le moment où tout le monde regarde partout pour voir avec qui danser. C’est un moment très, très important.

En ce qui concerne le code vestimentaire, ce que je recommande toujours, c’est de s’habiller comme si on allait dîner dans un endroit chic. Par exemple, les hommes peuvent très bien porter un jean ou un pantalon un peu plus habillé avec des baskets ou de belles chaussures, et une chemise ou un joli t‑shirt. Et pour les femmes, personnellement, j’aime beaucoup les jupes tube, bien moulantes, ou une petite robe du même genre, avec des talons hauts. Mais bon, cela dépend beaucoup du style de chacun.

Ce que je dis toujours, c’est de profiter d’aller dans un endroit où les participent accordent beaucoup de soin à leur tenue. Personnellement, je le vois comme un déguisement. J’aime beaucoup me déguiser pour l’occasion, pas dans le sens de me déguiser en lapin, mais dans le sens de me mettre dans le rôle. J’aime beaucoup jouer avec ça, donc je pense que j’en profiterais.

Les jours et horaires des milongas

En ce qui concerne les jours et les horaires… [rires]. Un jour, je suis allée à une milonga de 14 h à 19 h, puis à une autre de 21 h à 4 h du matin, et, ensuite, à un after où j’ai dansé jusqu’à 9 h du matin. Autrement dit, il y a des milongas à toute heure et tous les jours ! [5]

Mais, en général, les milongas se déroulent le soir, à partir de 19 h, 20 h ou 21 h, et jusqu’à tard dans la nuit. Évidemment, les jeudi, vendredi, samedi et dimanche sont les jours où il y en a le plus.

Les cours de tango dans les milongas

La grande majorité des milongas, pour ne pas dire toutes (mais, je n’en suis pas sûre à 100 %), offrent toujours, toujours, toujours des cours. Ils ont lieu avant la milonga. Par exemple, si la milonga commence à 22 h, il est certain qu’il y a un cours pour débutants entre 20 h et 20 h 30. Toujours. L’important est d’entrer en contact avec la milonga, de consulter son Instagram ou son Facebook. Sur les réseaux sociaux ou devant la salle (si tu y es passé et que tu as vu qu’il y avait une milonga), ils indiquent s’il y a des cours. Généralement, le prix du cours inclut l’entrée ou donne droit à un tarif spécial. Pour résumer : c’est toujours pour les débutants, ce n’est jamais pendant la milonga, c’est toujours avant.

Le prix d’entrée à la milonga

Le coût de participation à une milonga est exactement le même pour un danseur ou un spectateur, car on paie une entrée. Donc, c’est comme si tu vas dans un bar où il y a de la musique live et que tu paies l’entrée. Je ne sais pas combien on paie aujourd’hui en Argentine, car ça fait longtemps que je n’y suis pas allée. Mais, par exemple, ici en Espagne [où Katia vit actuellement], l’entrée coûte entre 5 et 10 €. Et le prix ne change pas selon que l’on sait danser ou non, que l’on vient pour regarder ou pour danser, que l’on reste 1 h ou toute la nuit. À l’entrée, on ne te dit pas : « Tu es danseur, c’est 4 € » ou « Tu es spectateur c’est 10 € ». Non, c’est le même prix pour tout le monde.

Les événements spéciaux organisés par les milongas

Il y a beaucoup de milongas qui organisent des événements spéciaux. Presque toutes. Des événements spéciaux, de la musique live ou des festivals. Il existe des milongas en plein air, certaines autogérées. Et, bien sûr, le festival le plus célèbre et le plus important est le Mondial de tango en août, où se rassemblent la plupart des danseurs du monde entier à Buenos Aires : il y a des cours toute la journée, et on danse toute la journée. C’est quelque chose d’impressionnant !

Katia Mer et Javier Secondi dansent sur le tango Por que regresas tu

En conclusion : les 3 conseils de Katia pour qui veut aller à une milonga

Cette question est compliquée. Mais, je vais tenter d’y répondre.

Ce que je peux dire, premièrement, c’est de se lancer et d’aller à une milonga. Si c’est ta première expérience, va à une milonga en soirée. Si tu aimes le vin rouge, assieds-toi, prends un verre de vin et laisse-toi envahir par la magie incroyable qui se produit dans la milonga. Cette magie n’existe nulle part ailleurs dans le monde, sauf dans la milonga. C’est une ambiance très particulière. Ce que tu vas voir est quelque chose de très spécial. Si tu n’as aucune idée de comment on danse, ne t’inquiète pas, personne ne te jugera si tu restes assis à regarder. Profite simplement de cette rencontre magique des âmes, dansant au rythme d’une musique qui a de nombreuses décennies.

Deuxièmement, je conseille de faire une recherche sur les réseaux sociaux pour voir à quoi ressemble la milonga. Je regarderais pour voir si l’endroit, l’ambiance, le style me plaisent ou non. Comme je l’ai dit, certaines sont plus traditionnelles et strictes, d’autres plus détendues et flexibles. Pour savoir ce qu’il en est, je consulterais les réseaux sociaux.

Troisièmement, pour que tu aies une bonne expérience, prends soin de toi à Buenos Aires. Ne te fait pas avoir par qui que ce soit, mais fais confiance : il y a des personnes super gentilles et très aimables qui t’aideront et te tendront la main. Si tu n’as jamais dansé et que tu n’as aucune idée de comment faire, ne te précipite pas pour danser dans une milonga de Buenos Aires, car tu dois connaître les codes. Mais, si tu connais les codes, entre sur la piste et profite : c’est merveilleux. C’est une expérience absolument unique, et une fois que le tango te touche le cœur, il ne te lâche plus.

[1] Atahualpa Yupanqui (1908-1992) était un poète et chanteur argentin. Auteur, compositeur, interprète, il avait coutume de se produire sur scène en jouant de la guitare. Pour donner une idée de son importance, Atahualpa Yupanqui était en quelque sorte le Georges Brassens argentin.

[2] La milonga est divisée en tandas (mot que l’on pourrait traduire par « scène » ou « acte », par anaologie avec le théâtre). Normalement, chaque tanda comprend quatre tangos. Les tandas sont séparées par un bref intermède musical (d’un style marquant une rupture avec celui du tango) appelé « cortina » (rideau en français, ce qui fait, une fois encore, penser au vocabulaire du théâtre).

[3] Toutes les milongas citées par Katia dans cet entretien disposent d’un compte Instagram où vous trouverez toutes les informations pratiques pour les contacter ou vous y rendre.

[4] Le Mondial de tango est une compétition internationale entre danseurs de tango qui se tient chaque année depuis 2003, au mois d’août, à Buenos Aires. Le championnat se déroule dans le cadre de l’événement Tango Buenos Aires Festival y Mundial. L’édition 2024 (14 au 27 août) était en cours à l’heure où a été réalisée cet entretien. Cette manifestation est d’une grande ampleur : par exemple, 1 000 artistes ont participé l’édition 2023, organisée sur 30 sites.

[4] Hoy Milonga est le site internet de référence pour connaitre les jours et horaires des milongas.

Un mot sur l’auteur

Présentation de Jérôme Dufaur, créateur de argentinamo.com et auteur des articles: "Tombé amoureux de l’Argentine lors d’un semestre d’études en 2001, Jérôme Dufaur y passe entre 3 et 6 mois par an. Conscient du besoin de disposer d’informations de qualité sur ce magnifique pays, il a créé ArgentinAmo pour partager des conseils de voyage et transmettre sa passion."

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